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| Posté le 01-04-2005 à 14:58:11
| Le Loup et l'Agneau! La raison du plus fort est toujours la meilleure Nous l'allons montrer tout à l'heure Un Agneau se désaltérait Dans le courant d'une onde pure. Un Loup survient à jeun qui cherchait aventure Et que la faim en ces lieux attirait Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage? Dit cet animal plein de rage Tu seras châtié de ta témérité. Sire, répond l'Agneau, que votre Majesté Ne se mette pas en colère Mais plutôt qu'elle considère Que je me vas désaltérant Dans le courant. Plus de vingt pas au-dessous d'Elle Et que par conséquent, en aucune façon Je ne puis troubler sa boisson Tu la troubles, reprit cette bête cruelle Et je sais que de moi tu médis l'an passé. Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né? Reprit l'Agneau, je tette encor ma mère Si ce n'est toi, c'est donc ton frère Je n'en ai point, c'est donc quelqu'un des tiens Car vous ne m'épargnez guère. Vous, vos bergers, et vos chiens On me l'a dit, il faut que je me venge Là-dessus, au fond des forêts Le Loup l'emporte, et puis le mange Sans autre forme de procès.
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| Posté le 05-04-2005 à 14:10:53
| L'Homme et son Image! Un homme qui s'aimait sans avoir de rivaux Passait dans son esprit pour le plus beau du monde Il accusait toujours les miroirs d'être faux Vivant plus que content dans son erreur profonde. Afin de le guérir, le sort officieux Présentait partout à ses yeux Les Conseillers muets dont se servent nos Dames Miroirs dans les logis, miroirs chez les Marchands Miroirs aux poches des galands Miroirs aux ceintures des femmes. Que fait notre Narcisse ? Il va se confiner Aux lieux les plus cachés qu'il peut s'imaginer N'osant plus des miroirs éprouver l'aventure Mais un canal, formé par une source pure. Se trouve en ces lieux écartés Il s'y voit, il se fâche, et ses yeux irrités Pensent apercevoir une chimère vaine Il fait tout ce qu'il peut pour éviter cette eau Mais quoi, le canal est si beau. Qu'il ne le quitte qu'avec peine On voit bien où je veux venir Je parle à tous ; et cette erreur extrême Est un mal que chacun se plaît d'entretenir Notre âme, c'est cet Homme amoureux de lui-même. Tant de Miroirs, ce sont les sottises d'autrui Miroirs, de nos défauts les Peintres légitimes Et quant au Canal, c'est celui Que chacun sait, le Livre des Maximes.
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| Posté le 06-04-2005 à 14:23:33
| Le Dragon à plusieurs Têtes et le Dragon à plusieurs Queues! Un Envoyé du Grand Seigneur Préférait, dit l'Histoire, un jour chez l'Empereur Les forces de son Maître à celles de l'Empire Un Allemand se mit à dire. Notre prince a des dépendants Qui de leur chef sont si puissants Que chacun d'eux pourrait soudoyer une armée Le Chiaoux, homme de sens Lui dit: Je sais par renommée. Ce que chaque Electeur peut de monde fournir Et cela me fait souvenir D'une aventure étrange, et qui pourtant est vraie J'étais en un lieu sûr, lorsque je vis passer Les cent têtes d'une Hydre au travers d'une haie. Mon sang commence à se glacer Et je crois qu'à moins on s'effraie Je n'en eus toutefois que la peur sans le mal Jamais le corps de l'animal Ne put venir vers moi, ni trouver d'ouverture. Je rêvais à cette aventure Quand un autre Dragon, qui n'avait qu'un seul chef Et bien plus d'une queue, à passer se présente Me voilà saisi derechef D'étonnement et d'épouvante. Ce chef passe, et le corps, et chaque queue aussi Rien ne les empêcha, l'un fit chemin à l'autre Je soutiens qu'il en est ainsi De votre Empereur et du nôtre.
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| Posté le 08-04-2005 à 15:24:38
| Les Voleurs et l'Ane! Pour un Ane enlevé deux Voleurs se battaient L'un voulait le garder, l'autre le voulait vendre Tandis que coups de poing trottaient Et que nos champions songeaient à se défendre. Arrive un troisième larron Qui saisit maître Aliboron L'Ane, c'est quelquefois une pauvre province Les voleurs sont tel ou tel prince Comme le Transylvain, le Turc, et le Hongrois. Au lieu de deux, j'en ai rencontré trois Il est assez de cette marchandise De nul d'eux n'est souvent la Province conquise Un quart Voleur survient, qui les accorde net En se saisissant du Baudet.
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| Posté le 11-04-2005 à 14:38:39
| Simonide préservé par les Dieux! On ne peut trop louer trois sortes de personnes Les Dieux, sa Maîtresse, et son Roi Malherbe le disait, j'y souscris quant à moi Ce sont maximes toujours bonnes. La louange chatouille et gagne les esprits Les faveurs d'une belle en sont souvent le prix Voyons comme les Dieux l'ont quelquefois payée Simonide avait entrepris L'éloge d'un Athlète, et, la chose essayée. Il trouva son sujet plein de récits tout nus Les parents de l'Athlète étaient gens inconnus Son père, un bon Bourgeois, lui sans autre mérite Matière infertile et petite Le Poète d'abord parla de son Héros. Après en avoir dit ce qu'il en pouvait dire Il se jette à côté, se met sur le propos De Castor et Pollux, ne manque pas d'écrire Que leur exemple était aux lutteurs glorieux Elève leurs combats, spécifiant les lieux. Où ces frères s'étaient signalés davantage Enfin l'éloge de ces Dieux Faisait les deux tiers de l'ouvrage L'Athlète avait promis d'en payer un talent Mais quand il le vit, le galand. N'en donna que le tiers, et dit fort franchement Que Castor et Pollux acquitassent le reste Faites-vous contenter par ce couple céleste Je vous veux traiter cependant Venez souper chez moi, nous ferons bonne vie. Les conviés sont gens choisis Mes parents, mes meilleurs amis Soyez donc de la compagnie Simonide promit. Peut-être qu'il eut peur De perdre, outre son dû, le gré de sa louange Il vient, l'on festine, l'on mange. Chacun étant en belle humeur Un domestique accourt, l'avertit qu'à la porte Deux hommes demandaient à le voir promptement Il sort de table, et la cohorte N'en perd pas un seul coup de dent. Ces deux hommes étaient les gémeaux de l'éloge Tous deux lui rendent grâce, et pour prix de ses vers Ils l'avertissent qu'il déloge Et que cette maison va tomber à l'envers La prédiction en fut vraie. Un pilier manque et le plafonds Ne trouvant plus rien qui l'étaie Tombe sur le festin, brise plats et flacons N'en fait pas moins aux Echansons Ce ne fut pas le pis, car, pour rendre complète. La vengeance due au Poète Une poutre cassa les jambes à l'Athlète Et renvoya les conviés Pour la plupart estropiés La renommée eut soin de publier l'affaire. Chacun cria miracle. On doubla le salaire Que méritaient les vers d'un homme aimé des Dieux Il n'était fils de bonne mère Qui, les payant à qui mieux mieux Pour ses ancêtres n'en fit faire. Je reviens à mon texte et dis premièrement Qu'on ne saurait manquer de louer largement Les Dieux et leurs pareils de plus, que Melpomène Souvent sans déroger trafique de sa peine Enfin qu'on doit tenir notre art en quelque prix. Les grands se font honneur dès lors qu'ils nous font grâce Jadis l'Olympe et le Parnasse Etaient frères et bons amis.
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| Posté le 12-04-2005 à 05:21:45
| La Mort et le Malheureux! Un Malheureux appelait tous les jours La mort à son secours O mort, lui disait-il, que tu me sembles belle! Viens vite, viens finir ma fortune cruelle. La Mort crut, en venant, l'obliger en effet Elle frappe à sa porte, elle entre, elle se montre Que vois-je! cria-t-il, ôtez-moi cet objet Qu'il est hideux ! que sa rencontre Me cause d'horreur et d'effroi! N'approche pas, ô mort, ô mort, retire-toi Mécénas fut un galant homme Il a dit quelque part : Qu'on me rende impotent Cul-de-jatte, goutteux, manchot, pourvu qu'en somme Je vive, c'est assez, je suis plus que content. Ne viens jamais, ô mort, on t'en dit tout autant.
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| Posté le 13-04-2005 à 13:52:01
| La Mort et le Bûcheron! Un pauvre Bûcheron tout couvert de ramée Sous le faix du fagot aussi bien que des ans Gémissant et courbé marchait à pas pesants Et tâchait de gagner sa chaumine enfumée. Enfin, n'en pouvant plus d'effort et de douleur Il met bas son fagot, il songe à son malheur Quel plaisir a-t-il eu depuis qu'il est au monde? En est-il un plus pauvre en la machine ronde? Point de pain quelquefois, et jamais de repos. Sa femme, ses enfants, les soldats, les impôts Le créancier, et la corvée Lui font d'un malheureux la peinture achevée Il appelle la mort, elle vient sans tarder Lui demande ce qu'il faut faire. C'est, dit-il, afin de m'aider A recharger ce bois, tu ne tarderas guère Le trépas vient tout guérir Mais ne bougeons d'où nous sommes Plutôt souffrir que mourir. C'est la devise des hommes.
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| Posté le 14-04-2005 à 16:08:06
| L'Homme entre Deux Ages, et ses deux Maîtresses! Un homme de moyen âge Et tirant sur le grison Jugea qu'il était saison De songer au mariage. Il avait du comptant Et partant De quoi choisir. Toutes voulaient lui plaire En quoi notre amoureux ne se pressait pas tant Bien adresser n'est pas petite affaire. Deux veuves sur son coeur eurent le plus de part L'une encor verte, et l'autre un peu bien mûre Mais qui réparait par son art Ce qu'avait détruit la nature Ces deux Veuves, en badinant. En riant, en lui faisant fête L'allaient quelquefois testonnant C'est-à-dire ajustant sa tête La Vieille à tous moments de sa part emportait Un peu du poil noir qui restait. Afin que son amant en fût plus à sa guise La Jeune saccageait les poils blancs à son tour Toutes deux firent tant, que notre tête grise Demeura sans cheveux, et se douta du tour Je vous rends, leur dit-il, mille grâces, les Belles. Qui m'avez si bien tondu J'ai plus gagné que perdu Car d'Hymen point de nouvelles Celle que je prendrais voudrait qu'à sa façon Je vécusse, et non à la mienne. Il n'est tête chauve qui tienne Je vous suis obligé, Belles, de la leçon.
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| Posté le 15-04-2005 à 12:39:30
| Le Renard et la Cigogne! Compère le Renard se mit un jour en frais et retint à dîner commère la Cigogne Le régal fût petit et sans beaucoup d'apprêts Le galant pour toute besogne. Avait un brouet clair, il vivait chichement Ce brouet fut par lui servi sur une assiette La Cigogne au long bec n'en put attraper miette Et le drôle eut lapé le tout en un moment Pour se venger de cette tromperie. A quelque temps de là, la Cigogne le prie Volontiers, lui dit-il, car avec mes amis Je ne fais point cérémonie A l'heure dite, il courut au logis De la Cigogne son hôtesse. Loua très fort la politesse Trouva le dîner cuit à point Bon appétit surtout, Renards n'en manquent point Il se réjouissait à l'odeur de la viande Mise en menus morceaux, et qu'il croyait friande. On servit, pour l'embarrasser En un vase à long col et d'étroite embouchure Le bec de la Cigogne y pouvait bien passer Mais le museau du sire était d'autre mesure Il lui fallut à jeun retourner au logis. Honteux comme un Renard qu'une Poule aurait pris Serrant la queue, et portant bas l'oreille Trompeurs, c'est pour vous que j'écris Attendez-vous à la pareille.
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| Posté le 20-04-2005 à 15:23:20
| L'Enfant et le Maître d'Ecole! Dans ce récit je prétends faire voir D'un certain sot la remontrance vaine Un jeune enfant dans l'eau se laissa choir En badinant sur les bords de la Seine. Le Ciel permit qu'un saule se trouva Dont le branchage, après Dieu, le sauva S'étant pris, dis-je, aux branches de ce saule Par cet endroit passe un Maître d'école L'Enfant lui crie, "Au secours! je péris." Le Magister, se tournant à ses cris D'un ton fort grave à contre-temps s'avise De le tancer, Ah! le petit babouin! Voyez, dit-il, où l'a mis sa sottise! Et puis, prenez de tels fripons le soin. Que les parents sont malheureux qu'il faille Toujours veiller à semblable canaille! Qu'ils ont de maux ! et que je plains leur sort! Ayant tout dit, il mit l'enfant à bord Je blâme ici plus de gens qu'on ne pense. Tout babillard, tout censeur, tout pédant Se peut connaître au discours que j'avance Chacun des trois fait un peuple fort grand Le Créateur en a béni l'engeance En toute affaire ils ne font que songer. Aux moyens d'exercer leur langue Hé ! mon ami, tire-moi de danger Tu feras après ta harangue.
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| Posté le 22-04-2005 à 14:47:53
| Le Coq et la Perle! Un jour un Coq détourna Une Perle, qu'il donna Au beau premier Lapidaire Je la crois fine, dit-il. Mais le moindre grain de mil Serait bien mieux mon affaire. Un ignorant hérita D'un manuscrit, qu'il porta Chez son voisin le Libraire. Je crois, dit-il, qu'il est bon Mais le moindre ducaton Serait bien mieux mon affaire.
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| Posté le 28-04-2005 à 16:21:15
| L'Homme et son Image! Un homme qui s'aimait sans avoir de rivaux Passait dans son esprit pour le plus beau du monde Il accusait toujours les miroirs d'être faux Vivant plus que content dans son erreur profonde. Afin de le guérir, le sort officieux Présentait partout à ses yeux Les Conseillers muets dont se servent nos Dames Miroirs dans les logis, miroirs chez les Marchands Miroirs aux poches des galands. Miroirs aux ceintures des femmes Que fait notre Narcisse? Il va se confiner Aux lieux les plus cachés qu'il peut s'imaginer N'osant plus des miroirs éprouver l'aventure Mais un canal, formé par une source pure. Se trouve en ces lieux écartés Il s'y voit, il se fâche et ses yeux irrités Pensent apercevoir une chimère vaine Il fait tout ce qu'il peut pour éviter cette eau Mais quoi, le canal est si beau. Qu'il ne le quitte qu'avec peine On voit bien où je veux venir Je parle à tous et cette erreur extrême Est un mal que chacun se plaît d'entretenir Notre âme, c'est cet Homme amoureux de lui-même. Tant de Miroirs, ce sont les sottises d'autrui Miroirs, de nos défauts les Peintres légitimes Et quant au Canal, c'est celui Que chacun sait, le Livre des Maximes.
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| Posté le 29-04-2005 à 15:02:50
| Les Frelons et les Mouches à Miel! De l'oeuvre on connaît l'Artisan Quelques rayons de miel sans maître se trouvèrent Des Frelons les réclamèrent Des Abeilles s'opposant. Devant certaine Guêpe on traduisit la cause Il était malaisé de décider la chose Les témoins déposaient qu'autour de ces rayons Des animaux ailés, bourdonnants, un peu longs De couleur fort tannée, et tels que les Abeilles. Avaient longtemps paru. Mais quoi ! dans les Frelons Ces enseignes étaient pareilles La Guêpe, ne sachant que dire à ces raisons Fit enquête nouvelle, et pour plus de lumière Entendit une fourmilière. Le point n'en put être éclairci De grâce, à quoi bon tout ceci? Dit une Abeille fort prudente Depuis tantôt six mois que la cause est pendante Nous voici comme aux premiers jours. Pendant cela le miel se gâte Il est temps désormais que le juge se hâte N'a-t-il point assez léché l'Ours? Sans tant de contredits, et d'interlocutoires Et de fatras, et de grimoires. Travaillons, les Frelons et nous On verra qui sait faire, avec un suc si doux Des cellules si bien bâties Le refus des Frelons fit voir Que cet art passait leur savoir. Et la Guêpe adjugea le miel à leurs parties Plût à Dieu qu'on réglât ainsi tous les procès! Que des Turcs en cela l'on suivît la méthode! Le simple sens commun nous tiendrait lieu de Code Il ne faudrait point tant de frais. Au lieu qu'on nous mange, on nous gruge On nous mine par des longueurs On fait tant, à la fin, que l'huître est pour le juge Les écailles pour les plaideurs.
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| Posté le 02-05-2005 à 15:28:35
| Le Chêne et le Roseau! Le Chêne un jour dit au Roseau Vous avez bien sujet d'accuser la Nature Un Roitelet pour vous est un pesant fardeau Le moindre vent, qui d'aventure. Fait rider la face de l'eau Vous oblige à baisser la tête Cependant que mon front, au Caucase pareil Non content d'arrêter les rayons du soleil Brave l'effort de la tempête. Tout vous est Aquilon, tout me semble Zéphyr Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage Dont je couvre le voisinage Vous n'auriez pas tant à souffrir Je vous défendrais de l'orage. Mais vous naissez le plus souvent Sur les humides bords des Royaumes du vent La nature envers vous me semble bien injuste Votre compassion, lui répondit l'Arbuste Part d'un bon naturel, mais quittez ce souci. Les vents me sont moins qu'à vous redoutables Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici Contre leurs coups épouvantables Résisté sans courber le dos Mais attendons la fin. Comme il disait ces mots. Du bout de l'horizon accourt avec furie Le plus terrible des enfants Que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs L'Arbre tient bon, le Roseau plie Le vent redouble ses efforts. Et fait si bien qu'il déracine Celui de qui la tête au Ciel était voisine Et dont les pieds touchaient à l'Empire des Morts.
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| Posté le 04-05-2005 à 17:43:51
| Contre ceux qui ont le Goût Difficile! Quand j'aurais en naissant reçu de Calliope Les dons qu'à ses Amants cette Muse a promis Je les consacrerais aux mensonges d'Esope Le mensonge et les vers de tout temps sont amis. Mais je ne me crois pas si chéri du Parnasse Que de savoir orner toutes ces fictions On peut donner du lustre à leurs inventions On le peut, je l'essaie ; un plus savant le fasse Cependant jusqu'ici d'un langage nouveau. J'ai fait parler le Loup et répondre l'Agneau J'ai passé plus avant, les Arbres et les Plantes Sont devenus chez moi créatures parlantes Qui ne prendrait ceci pour un enchantement? Vraiment, me diront nos Critiques. Vous parlez magnifiquement De cinq ou six contes d'enfant Censeurs, en voulez-vous qui soient plus authentiques Et d'un style plus haut? En voici, Les Troyens Après dix ans de guerre autour de leurs murailles. Avaient lassé les Grecs, qui par mille moyens Par mille assauts, par cent batailles N'avaient pu mettre à bout cette fière Cité Quand un cheval de bois, par Minerve inventé D'un rare et nouvel artifice. Dans ses énormes flancs reçut le sage Ulysse Le vaillant Diomède, Ajax l'impétueux Que ce Colosse monstrueux Avec leurs escadrons devait porter dans Troie Livrant à leur fureur ses Dieux mêmes en proie. Stratagème inouï, qui des fabricateurs Paya la constance et la peine C'est assez, me dira quelqu'un de nos Auteurs La période est longue, il faut reprendre haleine Et puis votre Cheval de bois. Vos Héros avec leurs Phalanges Ce sont des contes plus étranges Qu'un Renard qui cajole un Corbeau sur sa voix De plus, il vous sied mal d'écrire en si haut style Eh bien! baissons d'un ton, La jalouse Amarylle. Songeait à son Alcippe, et croyait de ses soins N'avoir que ses Moutons et son Chien pour témoins Tircis, qui l'aperçut, se glisse entre des saules Il entend la bergère adressant ces paroles Au doux Zéphire, et le priant. De les porter à son Amant Je vous arrête à cette rime Dira mon censeur à l'instant Je ne la tiens pas légitime Ni d'une assez grande vertu. Remettez, pour le mieux, ces deux vers à la fonte Maudit censeur, te tairas-tu? Ne saurais-je achever mon conte? C'est un dessein très dangereux Que d'entreprendre de te plaire. Les délicats sont malheureux Rien ne saurait les satisfaire.
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| Posté le 05-05-2005 à 13:13:52
| Conseil tenu par les Rats! Un Chat, nommé Rodilardus Faisait des Rats telle déconfiture Que l'on n'en voyait presque plus Tant il en avait mis dedans la sépulture. Le peu qu'il en restait, n'osant quitter son trou Ne trouvait à manger que le quart de son sou Et Rodilard passait, chez la gent misérable Non pour un Chat, mais pour un Diable Or un jour qu'au haut et au loin. Le galant alla chercher femme Pendant tout le sabbat qu'il fit avec sa Dame Le demeurant des Rats tint chapitre en un coin Sur la nécessité présente Dès l'abord, leur Doyen, personne fort prudente. Opina qu'il fallait, et plus tôt que plus tard Attacher un grelot au cou de Rodilard Qu'ainsi, quand il irait en guerre De sa marche avertis, ils s'enfuiraient en terre Qu'il n'y savait que ce moyen. Chacun fut de l'avis de Monsieur le Doyen Chose ne leur parut à tous plus salutaire La difficulté fut d'attacher le grelot L'un dit, "Je n'y vas point, je ne suis pas si sot" L'autre, "Je ne saurais, "Si bien que sans rien faire. On se quitta. J'ai maints Chapitres vus Qui pour néant se sont ainsi tenus Chapitres, non de Rats, mais Chapitres de Moines Voire chapitres de Chanoines Ne faut-il que délibérer. La Courr en Conseillers foisonne Est-il besoin d'exécuter L'on ne rencontre plus personne.
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| Posté le 09-05-2005 à 15:32:12
| Le Loup plaidant contre le Renard par-devant le Singe! Un Loup disait que l'on l'avait volé Un Renard, son voisin, d'assez mauvaise vie Pour ce prétendu vol par lui fut appelé Devant le Singe il fut plaidé. Non point par Avocats, mais par chaque Partie Thémis n'avait point travaillé De mémoire de Singe, à fait plus embrouillé Le Magistrat suait en son lit de Justice Après qu'on eut bien contesté. Répliqué, crié, tempêté Le Juge, instruit de leur malice Leur dit, Je vous connais de longtemps, mes amis Et tous deux vous paierez l'amende Car toi, Loup, tu te plains, quoiqu'on ne t'ait rien pris. Et toi, Renard, as pris ce que l'on te demande Le juge prétendait qu'à tort et à travers On ne saurait manquer, condamnant un pervers Quelques personnes de bon sens ont cru que L'impossibilité et la contradiction qui est dans le. Jugement de ce Singe était une chose à censurer mais je ne m'en suis servi qu'après Phédre et c'est en cela que consiste le bon mot, selon mon avis.
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| Posté le 11-05-2005 à 13:38:23
| Les Deux Taureaux et une Grenouille! Deux Taureaux combattaient à qui posséderait Une Génisse avec l'empire Une Grenouille en soupirait "Qu'avez-vous?"se mit à lui dire. Quelqu'un du peuple croassant Et ne voyez-vous pas, dit-elle Que la fin de cette querelle Sera l'exil de l'un ; que l'autre, le chassant Le fera renoncer aux campagnes fleuries? Il ne régnera plus sur l'herbe des prairies Viendra dans nos marais régner sur les roseaux Et nous foulant aux pieds jusques au fond des eaux Tantôt l'une, et puis l'autre, il faudra qu'on pâtisse Du combat qu'a causé Madame la Génisse. Cette crainte était de bon sens L'un des Taureaux en leur demeure S'alla cacher à leurs dépens Il en écrasait vingt par heure Hélas! on voit que de tout temps. Les petits ont pâti des sottises des grands.
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| Posté le 16-05-2005 à 12:49:54
| La Chauve-Souris et les deux Belettes Une Chauve-Souris donna tête baissée Dans un nid de Belette et sitôt qu'elle y fut L'autre, envers les souris de longtemps courroucée Pour la dévorer accourut. Quoi? vous osez, dit-elle, à mes yeux vous produire Après que votre race a tâché de me nuire! N'êtes-vous pas Souris? Parlez sans fiction Oui, vous l'êtes, ou bien je ne suis pas Belette. Pardonnez-moi, dit la pauvrette Ce n'est pas ma profession Moi Souris ! Des méchants vous ont dit ces nouvelles. Grâce à l'Auteur de l'Univers Je suis Oiseau, voyez mes ailes Vive la gent qui fend les airs! Sa raison plut, et sembla bonne. Elle fait si bien qu'on lui donne Liberté de se retirer Deux jours après, notre étourdie Aveuglément se va fourrer Chez une autre Belette, aux oiseaux ennemie. La voilà derechef en danger de sa vie La Dame du logis avec son long museau S'en allait la croquer en qualité d'Oiseau Quand elle protesta qu'on lui faisait outrage Moi, pour telle passer! Vous n'y regardez pas. Qui fait l'Oiseau? c'est le plumage Je suis Souris vivent les Rats! Jupiter confonde les Chats! Par cette adroite repartie Elle sauva deux fois sa vie. Plusieurs se sont trouvés qui, d'écharpe changeants Aux dangers, ainsi qu'elle, ont souvent fait la figue Le Sage dit, selon les gens Vive le Roi, vive la Ligue.
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| Posté le 20-05-2005 à 17:00:39
| L'Oiseau blessé d'une Flèche! Mortellement atteint d'une flèche empennée Un Oiseau déplorait sa triste destinée Et disait, en souffrant un surcroît de douleur Faut-il contribuer à son propre malheur! Cruels humains! vous tirez de nos ailes De quoi faire voler ces machines mortelles Mais ne vous moquez point, engeance sans pitié Souvent il vous arrive un sort comme le nôtre Des enfants de Japet toujours une moitié Fournira des armes à l'autre.
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| Posté le 29-05-2005 à 20:46:15
| La Lice et sa Compagne! Une Lice étant sur son terme Et ne sachant ou mettre un fardeau si pressant Fait si bien qu'à la fin sa Compagne consent De lui prêter sa hutte, où la Lice s'enferme. Au bout de quelque temps sa Compagne revient La Lice lui demande encore une quinzaine Ses petits ne marchaient, disait-elle, qu'à peine Pour faire court, elle l'obtient Ce second terme échu, l'autre lui redemande. Sa maison, sa chambre, son lit La Lice cette fois montre les dents, et dit Je suis prête à sortir avec toute ma bande Si vous pouvez nous mettre hors. Ses enfants étaient déjà forts. Ce qu'on donne aux méchants toujours on le regrette Pour tirer d'eux ce qu'on leur prête Il faut que l'on en vienne aux coups Il faut plaider, il faut combattre Laissez-leur prendre un pied chez vous Ils en auront bientôt pris quatre.
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| Posté le 03-06-2005 à 08:28:32
| Le Lion et le Rat! Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde On a souvent besoin d'un plus petit que soi De cette vérité deux Fables feront foi Tant la chose en preuves abonde. Entre les pattes d'un Lion Un Rat sortit de terre assez à l'étourdie Le Roi des animaux, en cette occasion Montra ce qu'il était, et lui donna la vie Ce bienfait ne fut pas perdu. Quelqu'un aurait-il jamais cru Qu'un Lion d'un Rat eût affaire? Cependant il advint qu'au sortir des forêts Ce Lion fut pris dans des rets Dont ses rugissements ne le purent défaire. Sire Rat accourut, et fit tant par ses dents Qu'une maille rongée emporta tout l'ouvrage Patience et longueur de temps Font plus que force ni que rage.
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| Posté le 15-06-2005 à 07:04:44
| La Colombe et la Fourmi! L'autre exemple est tiré d'animaux plus petits Le long d'un clair ruisseau buvait une Colombe Quand sur l'eau se penchant une Fourmi y tombe Et dans cet océan l'on eût vu la Fourmi. S'efforcer, mais en vain, de regagner la rive La Colombe aussitôt usa de charité Un brin d'herbe dans l'eau par elle étant jeté Ce fut un promontoire où la Fourmi arrive Elle se sauve et là-dessus. Passe un certain Croquant qui marchait les pieds nus Ce Croquant, par hasard, avait une arbalète Dès qu'il voit l'Oiseau de Vénus Il le croit en son pot, et déjà lui fait fête Tandis qu'à le tuer mon Villageois s'apprête. La Fourmi le pique au talon Le Vilain retourne la tête La Colombe l'entend, part, et tire de long Le soupé du Croquant avec elle s'envole Point de Pigeon pour une obole.
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| idem | Le Rire Tue les Microbes du Coeur | Administrateur | | 2257 messages postés |
| Posté le 17-06-2005 à 16:07:27
| L'Astrologue qui se laisse tomber dans un Puits! Un Astrologue un jour se laissa choir Au fond d'un puits. On lui dit, Pauvre bête Tandis qu'à peine à tes pieds tu peux voir Penses-tu lire au-dessus de ta tête? Cette aventure en soi, sans aller plus avant Peut servir de leçon à la plupart des hommes Parmi ce que de gens sur la terre nous sommes Il en est peu qui fort souvent Ne se plaisent d'entendre dire. Qu'au livre du Destin les mortels peuvent lire Mais ce livre, qu'Homère et les siens ont chanté Qu'est-ce, que le Hasard parmi l'Antiquité Et parmi nous la Providence? Or du Hasard il n'est point de science. S'il en était, on aurait tort De l'appeler hasard, ni fortune, ni sort Toutes choses très incertaines Quant aux volontés souveraines De Celui qui fait tout, et rien qu'avec dessein. Qui les sait, que lui seul? Comment lire en son sein? Aurait-il imprimé sur le front des étoiles Ce que la nuit des temps enferme dans ses voiles? A quelle utilité? Pour exercer l'esprit De ceux qui de la Sphère et du Globe ont écrit? Pour nous faire éviter des maux inévitables? Nous rendre, dans les biens, de plaisir incapables? Et causant du dégoût pour ces biens prévenus Les convertir en maux devant qu'ils soient venus ? C'est erreur, ou plutôt c'est crime de le croire. Le Firmament se meut, les Astres font leur cours Le Soleil nous luit tous les jours Tous les jours sa clarté succède à l'ombre noire Sans que nous en puissions autre chose inférer Que la nécessité de luire et d'éclairer. D'amener les saisons, de mûrir les semences De verser sur les corps certaines influences Du reste, en quoi répond au sort toujours divers Ce train toujours égal dont marche l'Univers? Charlatans, faiseurs d'horoscope Quittez les cours des Princes de l'Europe Emmenez avec vous les souffleurs tout d'un temps Vous ne méritez pas plus de foi que ces gens Je m'emporte un peu trop : revenons à l'histoire De ce Spéculateur qui fut contraint de boire. Outre la vanité de son art mensonger C'est l'image de ceux qui bâillent aux chimères Cependant qu'ils sont en danger Soit pour eux, soit pour leurs affaires.
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| idem | Le Rire Tue les Microbes du Coeur | Administrateur | | 2257 messages postés |
| Posté le 30-06-2005 à 05:50:45
| Le Lièvre et les Grenouilles! Un Lièvre en son gîte songeait (Car que faire en un gîte, à moins que l'on ne songe?) Dans un profond ennui ce Lièvre se plongeait Cet animal est triste, et la crainte le ronge. Les gens de naturel peureux Sont, disait-il, bien malheureux Ils ne sauraient manger morceau qui leur profite Jamais un plaisir pur, toujours assauts divers Voilà comme je vis, cette crainte maudite. M'empêche de dormir, sinon les yeux ouverts Corrigez-vous, dira quelque sage cervelle Et la peur se corrige-t-elle? Je crois même qu'en bonne foi Les hommes ont peur comme moi. Ainsi raisonnait notre Lièvre Et cependant faisait le guet Il était douteux, inquiet Un souffle, une ombre, un rien, tout lui donnait la fièvre Le mélancolique animal. En rêvant à cette matière Entend un léger bruit, ce lui fut un signal Pour s'enfuir devers sa tanière Il s'en alla passer sur le bord d'un étang Grenouilles aussitôt de sauter dans les ondes. Grenouilles de rentrer en leurs grottes profondes Oh! dit-il, j'en fais faire autant Qu'on m'en fait faire! Ma présence Effraie aussi les gens! je mets l'alarme au camp! Et d'où me vient cette vaillance? Comment? Des animaux qui tremblent devant moi! Je suis donc un foudre de guerre! Il n'est, je le vois bien, si poltron sur la terre Qui ne puisse trouver un plus poltron que soi.
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